« Dès sa genèse, le cinéma militant semble donc marqué par une double fonction, souvent contradictoire. Entre la propagande et l’éducation. Entre la fascination pour les images et leur condamnation. Gustave Cauvin découvrit la force du cinéma lors d’une conférence antialcoolique où les images d’aliénés en proie à des crises de delirium sortirent les spectateurs de leur torpeur. Certains militants, affichant pourtant des principes éducateurs, furent ainsi tentés de mobiliser les foules selon les ressorts classiques de la propagande : galvaniser ou terroriser les masses. Très tôt au sein du cinéma militant, l’on vit des images de mobilisations collectives (des manifestations) et des scènes de guerre ou/et de répression. Lors de la crise des Balkans de 1912, circulèrent dans certains réseaux ouvriers, en Europe, des images montrant des manifestations pacifistes et les horreurs de la guerre (via des plans de cadavres et de blessés). Une part du cinéma militant est ainsi peuplée de cadavres et de mutilés, de victimes des guerres patriotiques et impérialistes aux accidentés du travail, en passant par les affamés de Russie. La répression a la part belle dans ces bandes, de la police à cheval aux charges de CRS. »[1]

Le cinéma, devenu depuis longtemps, pour un pan de la création cinématographique en tout cas, un outil de consommation et une « usine à pognon », a malgré tout toujours eu une puissance militante à qui savait l’utiliser.

C’est un outil assez facile d’accès car visuel et souvent oral même si le cinéma militant existait indiscutablement déjà au temps du muet. Les Frères Lumière, à leur manière, faisaient du cinéma sociétal : L’entrée en gare de la Ciotat, La sortie de l’usine même si on peut discuter effectivement du caractère volontaire de la militance. Le cinéma soviétique au main de l’état ou non, pendant les guerres ou les périodes de doute, les révolutions ou les changements de société, …

Au fil de ses plus de 125 ans d’existence, le cinéma a toujours permis une parole et une analyse sociétale.

Comme exemple le cinéma de propagande russe, Pasolini, Chris Marker, le groupe Medvedkine, Buñuel, les films de Mickael Moore, le « Merci Patron » de Ruffin ou également lors de la crise COVID le documentaire Hold up.

La fiction a permis aussi de faire passer des messages (comme l’art en général) : quelques exemples parmi des milliers : Eight Men Out de John Saykles ; Land and Freedom de Ken Loach, ou encore La Promesse des Frères Dardenne. Le coté analyse sociétale est très présent.

Ces films précités ont touché un large public et ont fait couler pas mal d’encre, preuve s’il en est que le cinéma peut titiller les esprits et susciter de la réflexion aux spectateurs et spectatrices.

Plus récemment, Au bonheur des dames a été vu par des centaines de personnes, a été l’objet de débats, d’émissions télévisuelles et a permis ainsi de mettre en lumière le quotidien des techniciennes de surface et des difficultés rencontrées.

Le cinéma se calque, comme tous les arts, sur la vision de société, analyse et éventuelle réaction.

Au fil du temps, il a été utilisé entre autres pour faire passer des discours mais également réveiller les esprits.

Bien que l’explosion de cinéma hollywoodien ait fait basculer le cinéma dans la consommation, il est resté le cinéma indépendant, les documentaires, le cinéma amateur qui portent une voix militante.

De tout temps, le cinéma ouvrier a gardé une place sur la scène cinématographique même si elle n’a pas la même ampleur que les grosses productions. L’intérêt du cinéma est que, dans le visuel, il est possible de déjà faire passer beaucoup de messages à un public vraiment large, il est quasi universel.

Il peut être utilisé dans la sphère scolaire, militante, en petit groupe ou dans des grosses salles. Il peut susciter des débats collectifs ou des analyses individuelles. C’est un outil que l’on peut utiliser du plus jeune au plus vieux, dans les écoles, dans les centres culturels, les maisons du peuple, … Le cinéma pouvait (peut) également aller vers les gens, dans les villages, dans les quartiers, au plus près de la population. Possiblement utilisable partout. On peut l’utiliser en extérieur comme en intérieur, et il ne demande plus à l’heure actuelle , une machinerie coûteuse et élitiste. Tout un chacun peut faire un film avec son smartphone ou des caméras aux prix abordables. La définition du cinéma et les genres sont tellement multiples qu’il est possible de décliner sa militance .

On sait que le cinéma est important dans la vie de tous les citoyens. Et qu’il a une influence, une faculté d’explication, de dénonciation, d’analyse. Qu’il soit fiction ou documentaire, il a son mot à dire et comme tous les arts une faculté, un pouvoir d’éveil des consciences très appréciable et puissant.

[1] (https://www.peripherie.asso.fr/mouvement-ouvrier-et-cinema/le-cinema-militant)

https://www.erudit.org/fr/revues/images/1998-n92-images1103766/24005ac/